Un jour, en stage de survie dit « avancé », nous taillions des silex avec un bois de cerf, et pour documenter le tout nous filmions l’opération avec des smartphones. Je me souviens, à ce moment là, m’être dit que nous étions en train d’utiliser des techniques et des outils issus d’à peu près les deux extrêmes du spectre, en termes d’évolution technologique : l’âge de pierre et le cyber étaient présents au même endroit, au même moment.

Cette capacité qu’a l’humain d’être rigoureusement pragmatique, et de simplement utiliser les outils qui fonctionnent le mieux, en fonction du besoin et des ressources du moment, est selon moi une preuve de grande intelligence. Mais plus encore, notre capacité à harmoniser les traditions et leur sagesse avec les outils modernes, d’intégrer (ou pas) certains outils, de leur donner une juste place dans nos vies est probablement l’un des principaux enjeux que nous devrons affronter dans les prochaines années… notamment avec la progression fulgurante de l’IA.

Il nous faudra définir une éthique réaliste et très robuste pour avoir la discipline nécessaire, je pense, de ne pas totalement nous reposer sur cette « intelligence » (qui est à comprendre au sens d’enquête et de compilation d’informations, comme l’intelligence de l’acronyme « CIA »), et continuer à penser et à nous renseigner via des sources différentes. Sinon ces outils deviennent insidieusement des facteurs structurants dans nos vies. Ils prennent, partiellement ou totalement, le contrôle de nos objectifs. Et donc de notre temps. Et par extension, un peu de nos vies.

Les outils doivent conserver une place d’outil.

Et si nous leur laissons définir les objectifs de nos vies à notre place, ils deviennent des maîtres. Et nous leur sommes automatiquement assujettis. Pire : nous leur donnons sans même le choisir la place de maître dans nos vies. Et il faut faire un effort conscient pour choisir autre chose que cette voie de facilité.

Si, aujourd’hui, je m’astreins personnellement à coder mon site perso en HTML (le plus souvent dans un éditeur texte), que je fais mes photos et mes vidéos moi-même, que je fabrique de temps en temps un couteau avec mes petites mains, que je continue d’apprendre à me passer de différents outils technologiques, c’est moins par rejet de ces outils, mais bien par amour de la liberté que me procure le fait de savoir me passer de ces outils.

  • J’utilise le GPS, mais régulièrement je vérifie qu’avec une carte routière et ma mémoire j’arrive à bon port ;
  • J’utilise les IA (et même je travaille pour en développer une), mais je tâche de penser par moi-même, et de diversifier mes sources d’informations, mes méthodes d’analyse, etc.
  • Je connais plein de gens virtuellement, et j’ai des tas d’amis sur Facebook, mais je continue de parler à mes voisins…
  • Etc.

Réconcilier sainement tradition et modernité, du coup, revient à rester maître de ses objectifs, et d’utiliser tantôt les outils de la tradition, tantôt les outils de la modernité pour arriver à ses fins.

Ceci est valable pour les techniques ou les kits de survie (mes kits mélangent allègrement des trucs issus du paléolithique et de la technologie spatiale en fonction de ce qui fonctionnera le mieux dans le contexte où je serai), mais aussi pour les outils du quotidien, les choix de nos métiers, la manière dont nous produisons nos aliments, et tout le reste : ni la tradition ni la modernité ne sont des fins en soi. Et la sagesse, au final, est une science — affinée sur un temps long — de l’efficience (merci encore à Hugues pour cette perle).

Quels sont vos objectifs ? 🙂