J’arrive rarement en stage de survie — et je pars encore moins souvent en rando ou en trek — avec du matériel tout neuf. Ca m’arrive occasionnellement d’avoir changé de sac à dos ou d’avoir une chemise sans trous, hein. Mais globalement je me rends compte, à l’usage, que même si j’aime beaucoup tester des nouveaux concepts et des nouveaux outils, quand je sors je choisis très très souvent sur le matériel éprouvé, rustique et souvent un peu moins « top niveau » que ce que je pourrais avoir à dispo.
Parce que oui, on ne va pas se mentir : plein de gens m’envoient des échantillons de matos super sympa. J’ai des couteaux, des sacs à dos, des lampes et des trucs de l’espace, que pour la plupart je n’ai même pas payés. Mais en stage j’utilise presque toujours les mêmes vieux trucs. Pire, quand j’ai trouvé un modèle d’outil ou de vêtement qui me convient réellement bien, j’en achète souvent plusieurs, comme ça je serai sûr d’en avoir encore quand le modèle sera discontinué (ce qui arrive toujours, à force… ou alors la qualité change, ou alors on n’en trouve simplement plus parce que tout le monde se rend compte que c’est de la balle). Parmi les trucs que j’ai vraiment, pour de vrai, acheté en double ou en triple :
- les Lowa Zephyr SANS gore-tex (ne cherchez pas ils n’en font plus qu’avec du gore-tex maintenant) ; je les remplace actuellement par des Merrell Moab (toujours sans gore-tex) ;
- les Mora en plastique de base à 12 balles (franchement ils sont increvables, ils coupent et ils ne rouillent pas) avec un étui en kydex custom (que le CEETS vendait avant mais même ça, ça s’est arrêté) ;
- les machettes Tramontina de base (que je retaille pour en faire de gros bowies, et pour lesquelles je fais un étui en PVC moulé) ;
- les firesteels « light my fire » de la belle époque ;
- les ponchos de chez Varusteleka ;
- etc.
La liste n’est pas exhaustive, mais l’idée est la suivante : quand je trouve du matériel réellement adapté à ce que je fais, je l’utilise vraiment, je l’use, et je le casse, aussi j’aime bien avoir de la redondance. Plutôt que de devoir réapprendre à utiliser un nouvel outil, si je casse le Mora no. 7, je prends le Mora no. 8 et je repars comme la veille. Je le connais déjà.
S’il m’arrive assez souvent encore de découvrir du nouveau matériel et de changer de choix, chose que je fais en un seul battement de coeur une fois que j’ai réellement trouvé mieux, globalement je passe surtout du temps à faire autre chose qu’apprendre les limites précises et les possibilités réelles d’un outil avec lequel je suis déjà très familier, voire intime. Une fois qu’un outil devient littéralement un prolongement de moi-même, j’arrive à faire beaucoup, beaucoup plus de choses avec. Et le temps que j’ai passé à apprendre à me servir aussi bien dudit outil, à faire corps avec lui, est perdu (au moins partiellement) si je change d’outil.
Quand je ne change pas d’outil, toute la question de l’efficacité réelle de la combinaison « homme-outil » est de fait prise en compte : il existe sûrement des couteaux plus efficaces pour le gros oeuvre que mes machettes tramontina retaillées (d’ailleurs nous avons commis quelques projets de couteau au CEETS qui étaient bien mieux, ces deux dernières années), mais j’ai tellement l’habitude d’utiliser celles-ci que je compense par l’habitude extrême que j’ai de les manier. Je sais exactement quand et comment les affûter sur le terrain. Je connais leurs limites précises. Je sais ce que je peux en tirer très précisément. Et ça fait que, au final, même si l’outil en lui-même n’est pas l’outil ultime, j’ai tellement développé de compétences et d’expertise avec que ça fait carrément mieux le boulot.
Les outils peu couteaux comme les moras, aussi, se retrouvent dispatchés dans tous mes différents kits. Du coup, peu importe où je me retrouve ou la situation dans laquelle je suis (et donc potentiellement avec un kit différent), j’ai le même matos, les mêmes procédures, et zéro noeud au cerveau.
Simplifier, ça va jusque là.