(Photo by Ian Battaglia)

Parmi tous les outils qui font VRAIMENT une grosse différence en situation d’urgence, et qui sont particulièrement polyvalents, pas loin derrière le couteau, le briquet et le contenant métallique permettant de faire bouillir de l’eau, on trouve le bon vieux poncho.

Attention, cependant : un poncho, c’est un rectancle de tissus solide et imperméable avec un capuchon au milieu, des oeillets partout autour, et basta. Les capes de pluie, pèlerines et autres arnaques-à-manches ne sont PAS des ponchos (et bien des stagiaires du CEETS se sont faits avoir dans les magasins de plein air low cost comme ça, d’ailleurs). On va expliquer pourquoi plus loin.

Le poncho est l’un des toutes premières pièces d’équipement vraiment précieuces que j’ai eues, quand j’étais gamin au Québec. Et c’est probablement l’un des trucs que j’ai concrètement le plus utilisé sur le terrain depuis toujours. Non seulement en temps concret d’utilisation (de jour comme de nuit) mais aussi de par le nombre incroyable de trucs différents qu’on peut faire avec.

De base, le poncho est évidemment un vêtement : il protège (très bien) de la pluie. Son principal avantage est qu’il couvre très bien à la fois le corps et le haut des cuisses, et s’il est assez grand, il permet aussi de protéger son sac à dos — ce qui est loin d’être négligeable. Porté comme un vêtement, il n’est évidemment pas parfait : même s’il est ample, en général le poncho ne laisse pas du tout évacuer la transpiration ni l’humidité. Du coup, il est souvent plus confortable à porter en statique, ou quand on se déplace tranquillement, sur du terrain facile. Sinon, il faudra porter une couche hydrophobe dessous : une. polaire ou même une veste imper-respirante fonctionnent très bien : l’intérieur du poncho deviendra humide, mais nous, dedans, on sera relativement sec ou, faute de mieux, on sera « humide mais chaud » (ce qui est souvent le compromis auquel on arrive, de toute manière, par temps vraiment pluvieux, dans le monde réel et sur le terrain).

Les autres problèmes qui viennent avec le poncho sont (entre autres) :

– le fait qu’il peut assez vite devenir une grande voile par temps venteux (ou en vélo / à moto, etc.) ;
– le fait qu’à vélo ou en moto, il a la fâcheuse tendance à s’enrouler dans les essieux ou les chaînes de la roue arrière et de devenir un piège mortel ;
– dans les terrains pentus, on a tendance à marcher dessus (ce qui fait souvent piquer du nez brutalement) ;
– il nous cache souvent le sol imémdiatement devant nous, et de fait devient parfois traître…

Avec une ceinture (souvent simplement une ficelle ou un tendeur autour de la taille, on évite beaucoup de ces inconvénients, mais on perd en respirabilité. Il faut donc aviser finement.

Même Ötzi, la momie des glaces, avait un poncho (fait d’herbes disposées comme un toit de chaume et permettant de dévier la pluie, d’isoler le haut du corps et d’évacuer l’humidité en même temps : génial !

Utilisé avec des cuissardes (ou « chaps ») légères, le poncho permet de faire un tuilage très intelligent qui permet de ventiler relativement bien le centre de la masse (là où on transpire le plus), de protéger les cuisses, les jambes et les pieds (qui sont souvent la cible de toute l’eau de ruissellement qui provient du poncho et qui finissent trempés). Et de fait, par temps de grosse pluie (surtout en milieu ouvert et pas trop pentu), je n’ai jamais trouvé mieux que le poncho couplé aux chaps, avec des chaussures tout-cuir préalablement bien cirées. A fortiori avec en sous couches des vêtements hydrophobes (polaire, polyester, etc.).

Outre le côté « vêtement », j’utilise régulièrement mon poncho :

  1. Comme tapis de sol : il n’est pas isolant, mais il coupe un peu l’humidité et me tient un peu plus éloigné des tiques, poils de chenilles processionnaires, fourmis, guêpes de terre et autres joyeusetés qu’on peut trouver au sol. Je pose donc le poncho au sol et mon matelas isolant par-dessus, ce qui protège mon précieux matelas auto-gonflant un petit peu au passage. Sinon, pour simplement se poser, pique niquer par beau temps ou faire la sieste au soleil, il est parfait.
  2. Comme abri de fortune : en mode ultra-léger, je dors extrêmement souvent sous mon poncho. Je me fais un « abri du chacal » à la sauce CEETS (je tends mon poncho en appentis, en somme), et j’utilise ce dernier pour protéger mes affaires et le haut de mon corps de la pluie. Pour le reste du corps et tout ce que le poncho ne stoppera pas, j’ai un sursac de couchage en gore-tex. Cette combinaison est vraiment légère, discrète et vite installée. Evidemment, c’est aussi un abri de fortune très correct si on doit passer la nuit sous la pluie ou simplement pique niquer par mauvais temps.
  3. Pour transporter de la terre, des feuilles ou même un blessé (plus rarement, heureusement) : le poncho posé au sol peut facilement être rempli de terre ou de feuilles mortes à transporter pour fabriquer un abri de fortune. Il peut évidemment trimballer du petit bois, les fruits de notre cueillette ou autre : en nouant le capuchon il devient un formidable baluchon (surtout s’il est assez épais et solide). Et avec deux perches longues et solides, il se transforme en brancard en deux mouvements (littéralement).
  4. Pour se camoufler, certains ponchos sont tout à fait utilisables : posés sur la tête d’un photographe, ils brisent la forme caractéristique de la tête et des épaules humaines, et avec un peu d’astuce et d’espièglerie ils permettent de se transformer assez vite en rocher parmi les rochers, ou buisson parmi les buissons.
  5. Pour récupérer de l’eau de pluie, il suffit de tendre le poncho entre 4 points d’appuis à l’horizontale. Ca fait un petit toit sous lequel on peut s’asseoir en attendant la fin de l’orage, et le capuchon, retourné vers le bas et l’intérieur de l’abri, se remplit d’eau de pluie. Avec un filtre à eau du commerce, on peut ainsi filtrer son eau de pluie tranquillement et se faire parfois plusieurs litres d’eau potable, le temps d’un orage. Faute de filtre on peut évidemment traiter son eau différemment (on explique comment faire en stage de survie N1, oui, évidemment).

Parmi les utilisations exotiques que j’ai déjà vues, on peut compter en outre : paravent pour une jolie fille qui voulait se changer pudiquement, toilette publique de fortune pour la même jolie fille qui voulait faire pipi mais qui ne trouvait pas de toilettes (elle a enfilé le poncho et a pu faire pipi dans un parc sans montrer ses fesses), sac de fortune (gamin, je posais mon matériel sur mon poncho, avec le poncho liner, et je roulais le tout : une sangle attachée à chaque bout fermait l’ensemble et faisait office de bretelle pour porter le tout en bandoulière)… et évidemment, couplé à sa doublure (poncho liner, ou woobie pour les intimes), le poncho se transforme en sac de couchage relativement utilisable jusque 10 ou 15°C. C’est franchement mieux que rien.

Bref, dans mon sac à dos de tous les jours, en rando ou en voyage, j’ai très pratiquement toujours un poncho. J’ai choisi un compromis entre la légèreté un peu fragile du silnylon et les ponchos militaires traditionnels ultra solides mais trop lourds : un modèle en polyester enduit, ripstop, qui est assez grand, qui a des oeillets, un capuchon, et une couleur acceptable socialement 😉