Le « duct tape » porte plusieurs noms en France… Certains le nomment « gros scotch gris ». D’autres le nomment « ruban à conduits ». D’autres, encore, le surnomment « toile américaine », ou « chatterton ». Peu importe le nom qu’on lui donne, c’est une pièce d’équipement pour laquelle aucun superlatif n’est superflu. En forêt, en montagne, en canot ou en kayak, dans le désert ou près des pôles, le « duct tape » est utile. Vraiment utile.
Été 2003
Nous étions au Québec, avec ma douce de l’époque et un couple d’amis, en train de descendre une partie de la rivière Bonaventure en canot (au Québec, on dit canot, et non pas canoë… tout comme on dit orignal, et pas élan, et banc de neige plutôt que congère…). Trois jours de rêve au milieu de la forêt, avec les bivouacs chaque soir, les ours noirs, les saumons, quelques chevreuils et les eaux tellement pures qu’on voit le fond des fosses jusqu’à 10 ou 15 mètres, selon l’angle du soleil (évidemment, cette eau est — pour l’instant — potable et on n’a qu’à se pencher pour boire !). Petit problème, cependant… À la fin de la première journée, après un passage un peu difficile dans un rapide, une plaque de résine qui avait servi à réparer mon canot s’est arrachée, laissant l’eau s’engouffrer dans notre petite coquille de noix. Bien qu’une fois là-haut je n’aie jamais ressenti l’urgence de revenir vers la civilisation, à trois jours de pagaie du village le plus proche, ce genre de situation peut néanmoins devenir embarrassante. La troupe, un peu inquiète, m’a demandé ce qu’on allait bien pouvoir faire. J’ai souri, et j’ai sorti fièrement un gros rouleau de « duct tape » de mon sac étanche. En une demi-heure, le trou béant était réparé, et nous flottions à nouveau (il faut bien laisser sécher la coque avant d’appliquer le scotch… et ça tient !).
Automne 2004
En balade dans le Vercors, je descendais du plateau par le pierrier situé au fond du cirque d’Archiane (ceux qui connaissent le coin savent à quel point c’est joli). Un peu pressé, un peu fatigué, et un peu inattentif, je me suis tordu la cheville sur une grosse pierre instable. J’ai entendu un « crac » sinistre et sonore. La douleur, fulgurante, m’a fait m’écrouler sur place. Je craignais une rupture de ligaments. J’étais là, tout seul, sans téléphone portable (il venait de prendre l’eau), à plus d’une heure de marche d’Archiane, et à deux heures de marche de ma voiture. Me relevant, j’ai essayé de « marcher dessus », mais la douleur était trop grande. À la moindre flexion de la cheville, mon genou se pliait de lui-même. Impossible de marcher comme ça, et encore moins de finir la descente. J’ai donc enlevé ma botte, et j’ai sorti mon fidèle rouleau de scotch. Sur place, en 10 minutes (et par-dessus ma chaussette), je me suis fait l’équivalent d’un plâtre, très rigide. La cheville bloquée à 90 degrés, bien droite, ligaments « raccourcis » par l’effet du strapping de fortune, j’ai remis ma botte sommairement et j’ai pu redescendre. Aidé de mon bâton de marche, je me suis même rendu jusqu’à la voiture, et je suis rentré par mes propres moyens.
Ces deux petites histoires sont deux bons exemples, à mon avis, de la toute-puissance du « duct tape ». Évidemment, cette petite merveille de technologie peut être utilisée de bien des manières différentes… Il est, notamment, presque indispensable si on souhaite utiliser une couverture de survie comme abri. Il peut être utilisé pour réparer, soigner, fabriquer et transporter une foule de choses. J’ai souvent utilisé ce « gros scotch gris » pour maintenir un pansement en place, ou pour soigner des ampoules aux pieds. J’ai déjà fait des lunettes « inuits » contre les ophtalmies des neiges avec un bout de scotch… En mécanique, il remplace bien des courroies. C’est un bon isolant électrique, aussi. Et pour faire des mocassins de secours, ça fonctionne bien. Ses utilisations possibles ne sont limitées, vraiment, que par notre ingéniosité. J’en ai toujours sur moi, quelque part au fond de mon sac. Toujours. J’en ai même toujours dans une poche, ré-enroulé autour d’une carte de téléphone (oui, on peut le décoller de son rouleau et le recoller sur la carte sans problème).
Le « duct tape » se présente donc sous la forme de rouleaux plus ou moins volumineux de 5 cm de large. Il a la caractéristique de pouvoir se déchirer facilement avec les doigts dans le sens de la largeur, mais d’être extrêmement solide en traction. Par ailleurs, ce scotch colle encore plus fort que la misère colle à la peau des pauvres gens. Il est presque toujours gris, quoi que j’en aie trouvé récemment du jaune, ce qui est intéressant dans la mesure où celui-là permet de rendre des objets très voyants. Il permet aussi de marquer son chemin dans la forêt, à la manière du Petit Poucet, en accrochant des petits lambeaux de scotch sur les branches (ne faites ça qu’en situation d’urgence, de grâce, car ce scotch met des centaines d’années à se biodégrader…). Néanmoins ce scotch coloré semble coller moins bien et être moins résistant aux extrêmes de température que l’original.
Comme beaucoup de bonnes idées, le « duct tape » a été copié, plagié et piraté ad nauseam. On se retrouve ainsi à devoir faire un choix entre une quantité impressionnante de « gros scotch gris » de marques et de provenances diverses… Choisissez avec précaution, car tous ces rouleaux gris n’ont pas été créés égaux, contrairement aux êtres humains. Certains sont aussi fragiles que nos acquis sociaux. D’autres, comme certains futurs papas, décollent à la moindre occasion… Le rouleau de « duct tape », le vrai, résiste parfaitement bien aux immersions, même prolongées, et même dans l’eau salée. Il est aussi garanti pour une utilisation entre -20°C et 50°C. Bref, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, il vaut mieux payer quelques centimes de plus pour avoir du matériel de qualité.
Récemment, j’ai découvert le « Gorilla Tape ». Malheureusement pas encore distribué en France, ce scotch est, a priori, encore mieux que le meilleur des duct tape : il est encore plus solide, et il colle encore plus fort. Au point qu’il est carrément « overkill » pour la plupart des travaux qu’on puisse imaginer. Mais qui peut le plus peut le moins 😉
Quoi qu’il en soit, vive le duct tape… 🙂