On dit souvent que les amateurs parlent de tactique, et que les professionnels parlent de logistique. Ça se vérifie assez souvent, et dans le monde de l’outdoor et de la survie c’est vrai également.
On se retrouve souvent, en effet, à devoir gérer — à grands renforts d’intelligence et de précieuse énergie — des problèmes que nous n’aurions jamais eus si nous avions simplement respecté quelques principes d’organisation simples, et qui ont fait leurs preuves depuis la nuit des temps. Ce souci du détail peut sembler un peu fastidieux, mais c’est un gain de temps et d’énergie phénoménal, dans le monde réel.
8 perles de sagesse de terrain qui feront de vous cette personne pénible qui a toujours tout son matériel, qui est toujours prête avant tout le monde, et qui peut profiter de la vie dehors sans s’inquiéter du reste. Et qui reste organisée sous stress, évidemment :
- Toujours ranger les mêmes objets au même endroit. Toujours. Dans son sac à dos comme dans ses poches, il faut toujours mettre les mêmes objets au même endroit. Cela permet de savoir en permanence où les chercher sans devoir encombrer sa mémoire de travail avec des données fraîches et inutiles, bien sûr. Cela permet aussi de les retrouver dans le noir, sous stress, à tâtons, ou de dire à quelqu’un où les trouver dans nos affaires sans devoir réfléchir. Dans l’idéal — au moins pour le matériel d’urgence — tout le groupe devrait mettre les mêmes « kits » aux mêmes endroits. Exemple : le kit de premiers secours individuel dans le capuchon du sac à dos chez tout le monde. Ou encore la pelle et la sonde dans un emplacement déterminé (sur le côté du sac), etc. Faute d’être dans un groupe aussi organisé, faites-le déjà pour vous-même. Ca vous changera la vie, vraiment.
- Une pochette par fonction. Par souci d’ergonomie, il faut éviter d’avoir trop de petits objets en vrac dans une poche du sac. Non seulement ils peuvent tomber, se perdre, se mouiller ou s’abîmer en se frottant à la crasse du fond de votre sac, mais surtout quand il y en a trop on met toujours beaucoup trop de temps à les retrouver. Certains sacs sont déjà bien compartimentés et permettent de dédier une poche à un type d’objet mais si ça n’est pas le cas, pas de problème : de rassembler dans une pochette ou dans un « kit » votre matériel par tâche vous facilitera grandement la vie. Exemple : une pochette « pluie » pourra contenir votre veste imperméable et vos cuissardes. En cas d’averse, vous sortirez facilement cette pochette de votre sac et vous accéderez à tout ce qu’il vous faut en deux temps, trois mouvements (vous avez le droit de choisir un petit sac étanche pour ce faire, ce qui permettra de ranger vos vêtements de pluie trempé dans votre sac ensuite sans tremper votre précieux sac de couchage en plume). Autre exemple : un petit kit « hygiène ». Une pochette « orientation navigation ». Une pochette « j’ai froid », avec un bonnet, un tour de cou et une doudoune, voire des sous-vêtements thermiques et des chaufferettes chimiques. Bref, vous avez compris l’idée : il vous suffit de repérer les tâches courantes de vos journées outdoor et de rassembler le matériel utile pour ça par pochettes dédiées à chaque tâche type.
- Toujours ranger vos affaires immédiatement après les avoir utilisées. C’est devenu un véritable TOC chez moi. Même en vacances, à l’hôtel près de la plage, mon sac est toujours (presque) prêt à partir. Déformation professionnelle, sans doute. Quand je me brosse les dents, au lieu de laisser ma brosse à dents traîner près du lavabo je la remets simplement dans ma trousse de toilette, et je jette la trousse de toilette dans ma valise. Ca me prend 4 secondes de plus, au final, mais c’est fait et ça peut quitter ma mémoire. Mon sac de linge sale est posé dans ma valise aussi. Mes trucs sont organisés pour prendre le moins de place possible… et le moins de temps si je dois partir vite. Ça me permet — et c’est surtout ça qui est intéressant — de ne jamais rien perdre sans pour autant devoir me souvenir de l’endroit où j’ai semé mes affaires. Et, last but not least, ça me permet aussi de ne pas encombrer l’espace commun.
- Chaque membre du groupe doit avoir tout son matériel individuel indispensable. Tout le monde a son sac de couchage, son eau, sa nourriture, etc. Pourquoi ? Parce que si jamais on se retrouve séparé, chacun peut survivre individuellement. Eh oui, ça semble logique, dit comme ça. Mais combien de groupes de randonneurs se retrouvent à centraliser la nourriture dans un seul sac à dos, par exemple ? Combien de gens ne prennent pas de kit de premiers secours parce que Jacqueline doit bien en avoir une ? Combien de randonneurs partent un peu plus légers en comptant sur le fait que Robert a toujours deux tonnes de flotte et qu’il sera content de s’alléger un peu en cours de route ? Faites en sorte d’avoir tout le matériel nécessaire pour — a minima — survivre si vous êtes isolé(e) du groupe.
- Ne jamais disperser les outils collectifs. Dans un groupe, si quelqu’un porte la tente (abri collectif), il porte TOUTE la tente. La tente, le double toit, les sardines, les arceaux, l’empreinte au sol. Tout. Sinon, si le groupe se sépare, typiquement on a la moitié A qui a la toile et la moitié B qui a les sardines, et personne ne peut utiliser la tente du tout. C’est valable pour la carte et la boussole. Le réchaud et le gaz. La vache à eau et le filtre. Vous avez compris l’idée. Préservez les fonctions de chaque groupe d’objet en évitant de les séparer.
- Régulièrement, vider tout son matériel, tout inspecter, tout vérifier, et tout re-ranger. Quand les conditions s’y prêtent, et si possible une fois par jour, prenez un temps pour poser un poncho (ou autre surface) au sol, et étaler tout votre matériel dessus. C’est l’occasion de vérifier que vous n’avez rien perdu, évidemment. C’est aussi l’occasion de vérifier que votre couteau est toujours affûté, que votre lampe a encore de la batterie, etc. C’est aussi le moment où, typiquement, vous allez vous rendre compte que votre sac de semoule est pleine de fourmis, que votre téléphone a perdu 48% de batterie dans la nuit parce que vous avez oublié de le mettre en mode avion, ou que votre duvet a pris l’eau. Et de régler le problème (ou a minima de pouvoir en tenir compte, parce qu’une personne avertie en vaut deux).
- Ne jamais laisser passer une chance de : faire le plein d’eau, charger une batterie, faire le plein de nourriture… C’est une chose qu’on apprend souvent — malheureusement — à la dure. Typiquement, les randonneurs qui croisent une source à la montée et qui comptent sur le fait qu’il doit y en avoir une autre un peu plus haut : ils pensent pouvoir monter en étant un peu moins chargés puis, arrivés en haut, se rendent compte que la source est à sec. Il leur reste alors deux options : redescendre chercher de l’eau ou faire avec ce qu’ils ont (ce qui est généralement trop peu). Les marcheurs ultra-légers disent que l’on porte ses peurs. C’est probablement vrai, mais il y a quand-même des peurs légitimes 😉
- Soyez un peu maniaque. Parce qu’un petit détail qui peut nous tuer n’est pas un détail… et c’est bien souvent ce temps d’attention porté aux détails qui fait qu’on peut ensuite envisager nos choix de manière plus pertinente et faire en sorte que les trains arrivent à l’heure. Prendre le temps d’enrouler les bouts de sangles qui dépassent de nos sacs, prendre le temps de refermer ses zips, de mieux ranger ses affaires est un temps qui peut sembler perdu. Mais en réalité c’est du temps de réflexion, de maturation, de méditation presque. C’est du temps où non seulement on range son matériel, mais où — en même temps — on range sa tête. Et dans un environnement complexe et imprévisible comme la nature sauvage, c’est souvent sage.