Hier après-midi, j’allais chercher les gamins à l’école. Comme toujours, j’avais mon sac à dos avec moi. Comme toujours, j’avais aux pieds de bonnes chaussures. Comme toujours, j’étais habillé d’une manière pratique, adaptée à la météo, fonctionnelle, et passe-partout. Comme toujours, j’avais retiré mon oreillette bluetooth. J’étais détendu mais attentif à mon environnement. Présent à ce qui se passait dans les cercles concentriques autour de moi. Dans les différents compartiments de terrain que je ne voyais pas, aussi. Balayant un peu nonchalamment les environs du regard, et profitant de la vue en même temps.

Une maman m’a dit bonjour. Elle m’a fait remarquer que j’avais toujours mon sac à dos avec moi, alors que ma voiture est seulement à quelques mètres. J’ai ri. J’ai dit « déformation professionnelle, sans doute ». Je n’avais pas envie de commencer à donner un laïus, ni à attirer l’attention plus que ça. Mais elle a commencé à me demander ce que je faisais comme boulot. Et j’ai répondu. Et j’ai expliqué un peu ma démarche, sans vouloir insister, mais parce qu’elle me posait des questions.

  • Oui, je me gare effectivement toujours en marche arrière, de manière à pouvoir repartir facilement, directement, et surtout en voyant bien devant moi sur ce parking où plein d’enfants circulent, certains sous la ligne d’horizon de mes rétroviseurs.
  • Oui, j’ai toujours mon sac à dos avec moi, et dedans j’ai — entre autres — un kit de premiers secours pour gérer des urgences et des hémorragies massives. Ou une crise allergique grave. Ou plein d’autres trucs.
  • Oui, il fait froid, c’est l’automne, et donc j’ai toujours des vêtements adaptés au climat de dehors, et pas au climat de mon véhicule. Si jamais je dois passer du temps dehors, marcher, faire du stop, attendre une dépanneuse ou autre, je suis bien. Et les enfants idem.
  • Oui, dans mon véhicule j’ai de quoi filer un goûter aux gamins, gérer encore plus d’urgences, me changer intégralement, réparer quatre crevaisons dont une majeure (roue de secours full size). J’ai aussi de quoi « booster » une batterie, regonfler un pneu, bricoler un peu. Ca sert rarement mais régulièrement.
  • Oui, quand j’arrive dans un endroit public — et encore plus pendant cette période d’urgence attentat — je suis attentif à ce qui se passe autour de moi. Pas parce que je me sens particulièrement en danger, mais parce que la vie est ce qui se passe un peu autour… que j’ai des potes qui peuvent passer, des gamins à récupérer… qu’il y a des ados — qui sont sortis plus tôt et qui sont arrivés en bus — qui jouent et qui peuvent se blesser sous mon nez. Qu’il y a un mec louche là-bas sur le banc, au fond du parc, et que les nanas font un détour pour ne pas passer près de lui… alors je garde un oeil sur lui. Sait-on jamais. Par principe. Je fais tout ça sans stress particulier : pour le moment tout va bien. Mais je suis vigilant. Comme quand je conduis. J’anticipe sans m’angoisser, en somme.

Tout ça n’est pas particulièrement fatiguant. Ce sont des prodédures, des routines intégrées à ma vie qui ne me demandent pas particulièrement de temps ou d’énergie, au contraire : ces procédures et ces habitudes m’évitent, avec une petite quantité d’énergie, de devoir dépenser énormément d’énergie pour régler des problèmes que j’aurais pu, simplement, éviter. Et pendant que tous les petits problèmes sont gérés par la prévention et la simple mise en place de procédures, je peux profiter de la vie, du paysage, et réfléchir à d’autres choses. Au lieu de tendre, ça me détend.

Idem pour la préparation physique, d’ailleurs. D’être prêt physiquement à gérer une situation de survie est, finalement, une excellente hygiène de vie, et une bonne manière d’avoir un corps dans lequel je me sens bien au quotidien. C’est là, sans doute, la différence entre une préparation physique générale à des situations imprévisibles et la recherche de performance sportive pour un évènement à un instant T. Je ne vise pas un pic de performance, je cherche à être en permanence le mieux possible, donc à ne pas m’user, m’épuiser, ni me laisser aller. Pas de complaisance, mais pas de maltraitance. Et j’ai donc une condition physique très correcte tout le temps. Jamais des performances de haut niveau. Non. Juste mieux que la moyenne des hommes de mon âge tout le temps.

Cette posture de « qu’est-ce que je ferais si » est aussi, évidemment, garante de ma capacité à réagir concrètement… mais les effets secondaires de cette posture sont très positifs. C’est probablement pour cette raison que j’aime autant le mot serendipité 🙂