En stage de survie, nous disons souvent que 70% de notre travail consiste à enseigner aux gens à bien gérer leur température coporelle, et ce ne sont pas des paroles en l’air : nous avons réellement besoin de savoir bien faire ça, et c’est encore plus indispensable dès que nous nous éloignons des plages de températures où notre corps arrive facilement à gérer son homéostasie.

La vie et la survie, en saison froide, se résument ainsi à une grande priorité : la guerre pour le contrôle des calories.

Notre corps qui, au repos, produit environ 1w par kg de chaleur (et évidemment plus quand on produit du mouvement) doit préserver sa température dans une marge très proche de 37°C. Et pour ce faire, il a clairement besoin de toutes les aides possibles. Outre ses moyens innés de régulation thermique et la potentielle acclimatation qu’on lui a permis de développer, le choix des micro-climats, des abris, des vêtements, et même de la nourriture seront toutes des mesures utiles voire indispensables pour faire en sorte — au final — que suffisamment de calories restent dans notre corps pour que les réactions chimiques propres à la vie puissent continuer.

L’une des astuces pour arriver à cela plus facilement est le « thermos » : avoir de l’eau chaude en permanence avec soi.

Pourquoi ?

Boire froid alors qu’on a déjà froid est non seulement désagréable, mais c’est souvent un truc que nous ne faisons simplement pas, et nous nous déshydratons. Et cette déshydratation est un facteur aggravant s’il est question de lutter contre l’hypothermie (un corps bien hydraté résiste mieux au froid) et les gelures. Aussi, d’avoir une boisson chaude et réconfortante permet de boire plus volontiers et donc de rester mieux hydratés sur le terrain. Et ça, c’est précieux.

De boire chaud, rapidement et en grande quantité peut être un faux-ami, évidemment : en réchauffant trop la zone proche de notre hypothalamus on fait croire à notre système de régulation thermique qu’il fait chaud, alors qu’il fait froid. Mais de boire de petites quantités d’eau chaude va surtout — et très simplement — apporter quelques précieuses calories au centre du corps, au niveau de l’estomac, et réchauffer la masse centrale.

Si on boit de l’eau glacée, il faudra que notre corps réchauffe cette eau et la porte à 37°C. C’est relativement peu de calories, si on prend le temps de faire le calcul : de réchauffer un litre d’eau et de le faire passer de 1°C à 37°C représente, par exemple, 36kcal. On peut compenser cette perte — en théorie — en mangeant 6 ou 7 cacahuètes. Dit comme cela, ça semble ridiculement peu. Maintenant, quand on est déjà en train de lutter contre le froid, notre métabolisme a tendance à avoir plutôt besoin d’un petit coup de pouce, plutôt que d’un petit handicap. Aussi, de boire chaud sera plutôt sympa.

Si on utilise un réchaud, et donc des cartouches de gaz, on constate très souvent que par temps froid elles fonctionnent extrêmement mal. Typiquement, le butane qu’elles contiennent se liquéfie autour de 0°C et donc ne sert plus à rien dans un réchaud en phase gazeuse. D’avoir un petit peu d’eau chaude en réserve pour réanimer une cartouche de gaz m’a déjà servi plus d’une fois, certains matins d’hiver où je voulais faire fondre de la neige pour « faire de l’eau » pour la journée. On peut ainsi utiliser quelques ml d’eau chaude du thermos, qu’on mettra dans une gamelle ou coupelle quelconque, et on y déposera la cartouche de gaz. Le butane, dans un petit peu d’eau à chaude, s’évapore de nouveau et redevient utilisable. Attention, évidemment, à ne pas trop réchauffer la cartouche, qui peut éclater (voire exploser si elle éclate à proximité d’une flamme). Evitez aussi de placer la cartouche dans l’eau chaude quand le réchaud est allumé, évidemment : cela peut créer une surpression qui génère une flamme énorme, voire une fuite au niveau du joint qui finira toujours très mal. Bref, réchauffez la cartouche modérément et loin de toute flamme, et ensuite utilisez là prudemment.

Last but not least, le thermos permet à l’eau liquide de rester liquide, dans un environnement où elle ne l’est normalement pas : combien de fois ai-je retrouvé des gourdes, dans mon sac, qui avaient gelé pendant la marche et que j’ai dû stocker dans mon sac de couchage, la nuit, pour espérer pouvoir boire le lendemain… Un thermos permet de boire chaud mais, faute de ça, il permet de boire liquide. Et c’est vraiment appréciable 😉