On trouve souvent un peu partout des listes de pièces de matériel indispensable pour survivre à toutes les pires calamités, des zombies zoophiles aux belles-mères en rut.  J’aime bien, moi le premier, me prendre à rêver à avoir de beaux outils — le beau couteau, le dernier treillis-pas-treillis-au-look-civil-low-profile-mais-pas-trop, la lampe tactique qui déchire les rétines, mais noire mat, et le dernier truc en laine supra-douce et supra-chaude, tondue sous le menton des agneaux bio les plus doux de la création.  Tout ça c’est cool, ça fait tourner le business…  mais dans la vraie vie c’est pas ça qui va sauver nos miches.

Le matériel, c’est le prolongement de nos compétences…  ou de notre incompétence.  Guère plus.

Alors moi, là, j’ai envie de faire une liste des qualités les plus indispensables pour survivre.  Je parle des qualités morales, des capacités intérieures.  Des postures.  Des manière d’être.  Ca ouvre un beau, gros, immense, infini champ de travail sur soi pour ceux que ça intéressera.

La lucidité. Le truc de base, genre, voir ce qui se passe. Vraiment. Ne pas être dans le déni. Ne pas laisser nos illusions gouverner. Ne pas se voiler la face. Ne pas faire l’autruche. Non.  Voir la réalité en face, même et surtout quand elle ne nous plaît pas. Dans les faits, quasiment tout le monde refuse de voir qu’il est dans une situation de survie pendant un moment plus ou moins long. Une sorte de phase de sidération / négation du réel a souvent lieu. Moins elle dure longtemps, plus on peut réagir correctement avant qu’il ne soit trop tard.

Savoir prendre des décisions. Comme dit l’adage, un gentleman, c’est quelqu’un qui sait quand NE PLUS être un gentleman. Autrement dit, il est utile d’avoir des critères précis, des « seuils » au-delà desquels on décide de poser des actes pour changer la situation, se mettre en sécurité, améliorer son merdier. De facto, dès qu’on tranche, on risque de trancher pour rien, trop tôt, pas assez bien, etc. On peut et on est souvent injuste, pas parfait, etc. C’est comme ça. La vie est imparfaite. Elle est injuste, et à la fin on crève. Et c’est toujours difficile. Mais on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs, ni compromettre l’existence de certains poussins. C’est tentant de remettre la prise de décision à plus tard, surtout quand on a beaucoup investi dans le truc qu’on doit lâcher pour prendre la décision en question. C’est le fameux piège abscons, désormais bien connu. Pour en sortir, une seule solution : se fixer une limite. Tracer une ligne rouge. Et s’y tenir. Même et surtout si c’est dur.

S’accrocher.  Comme un morpion sur un poil de cul. Ne rien lâcher. Comme disait Churchill : Never, never, never give up. Ne jamais, jamais, jamais abandonner. La gniaque, la pure et dure, celle qu’on trouve chez les blaireaux. Celle qu’on a dans le fond des tripes, dans le fond du slip. Celle qui pue la sueur, les larmes et tout et tout. Il reste toujours des solutions, sauf si on abandonne.

Réfléchir et s’adapter. S’entêter dans une solution qui ne fonctionne pas, c’est pas « s’accrocher ». C’est juste être con. Le plan B, ça peut et ça doit être autre chose que le plan A en plus fort. L’adaptabilité, la capacité à changer de stratégie, même sous stress, c’est un truc qui se travaille petit à petit en étant en confort. Apprenez à lâcher les vieilles idées, les vieilles solutions, les vieux objets.  Lâchez et changez souvent. Personnellement, je travaille ça en déménageant régulièrement. Ca casse la croûte sclérosée de confort rigide qui pousse sur mon esprit dès que ne reste au même endroit trop longtemps.

Etre détaché. Emotionnellement, j’entends. Etre capable de n’en avoir rien à foutre. « Feck it, it’ll be grand », comme ils disent en Irlande. « On s’en branle, ça va aller », quoi. Oui, je sais, c’est un peu contradictoire avec la lucidité, en apparence. Mais en fait, là, je ne parle pas de ne pas voir les choses. Je parle de les voir simplement pour ce qu’elles sont : des choses. Ne pas y rajouter d’émotions, de commentaire mental, de complications. Juste : fuck it. On fait ce qu’on peut. Et le reste : fuck it. On flippe et on n’a pas de solution ? Fuck it. On se détache, on respire, on sourit. Et ce détachement là, au final, cette folie organisée, ça permet vraiment d’éviter de se fatiguer pour rien.

Etre optimiste. Pas con, pas irréaliste. Juste optimiste. Juste, avoir ce biais, un peu con mais reposant, de confiance dans ses capacités, et le fait que ça va peut être aller. Cet optimisme, qui est largement renforcé par la certitude qu’on a fait ce qu’il faut, et qu’on l’a bien fait, facilite le détachement dont on parlait ci-dessus, et cette petite joie en plus qui donne des points de vie, au lieu d’en coûter. Garder le sens de l’humour. Rigoler. Rester joyeux même quand ça chie vraiment, c’est un excellent moyen de préserver de l’énergie, et surtout de garder le moral d’un groupe un peu plus ensoleillé. Ca marche vraiment, et ça crée une dynamique positive. Vraiment. Et tout ça, ça commence par tourner ses phrases dans le bon sens : « va falloir qu’on soit vigilants sur cette pente là si on veut arriver en bas entiers », c’est la bonne manière de dire. On peut s’empoisonner l’esprit aussi avec des « putain ça craint, on va se tuer sur cette pente là si on relâche l’attention deux secondes »…  Vous voyez la différence ? Vous voyez les images mentales que créent la première, celle tournée dans le bon sens ? Elles sont plus utiles, celles-là. Et elles fonctionnent mieux. Et puis souriez, merde. La mort, ça arrive à tout le monde. Pas de quoi faire cette tête 🙂

Pour arriver à faire tout ça, ben faut bosser. Bosser sur soi. Sur ses émotions, son mental, son physique. Faut être capable d’amener son esprit là où on le veut, et l’y tenir. Etc, etc. Et oui, ça se fait. Tout le monde peut y arriver. Et devinez quoi : ça marche en survie, mais pour bien vivre sa vie, aussi, ça aide vachement.

Mes conférences « préparation mentale » parlent beaucoup ça, oui. Et non ça n’est pas de la pub, je n’en ai aucune de prévue pour le moment, na 😉

Des bisous 😉